No Country for Old Men

Publié le par vomir.encostard

« C'est quoi le plus que t'as perdu au pile ou face ? »
Anton Chigurh qui force un vendeur de station-service à parier sa vie à pile ou face.


 

No Country for Old Men (horriblement « traduit » par Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme), réalisé par les frères Coen [fr] et tiré du (semble-t-il bon) livre éponyme de Cormac McCarthy, raconte l'histoire du fatigué shérif Bell (un Tommy Lee Jones creusé et crevé, dépassé par le monde qui l'entoure), du paumé Llewelyn Moss (Josh Brolin courant comme un dératé à sa perte) et du cinglé Anton Chigurh (Javier Bardem impécablement coiffé et parfaitement froid et méthodique). Ces trois personnages ne se croiseront pas forcément, ou très peu. Mais chacun de leur côté ils auront une influence déterminante et définitive sur les deux autres.
Tout commence lorsque Llewelyn tombe par hasard sur un massacre de trafiquants de drogue mexicains lors d'une partie de chasse à l'antilope. Ces mexicains, leurs chiens et leurs voitures, sont tous criblés de balles [img] de divers calibres, il ne reste qu'un survivant desséché et agonisant. Llewelyn l'abandonne à son sort pour aller chercher une valise rempli de 2millions de dollars sur un autre cadavre. À ce moment il sait qu'il est en train de commettre une monumentale erreur, mais on ne peut décemment pas laisser 2millions de dollars dans la nature. Alors il rentre dans sa caravane retrouver sa femme Carla Jean (Kelly MacDonald qui s'impose et prend de plus en plus d'importance au long du film, passant de la classique épouse éplorée à une femme qui essaye de prendre les choses en main), et planquer les armes et l'argent. Pris de remord il prend un bidon d'eau pour abreuver le mexicain desséché, et c'est véritablement là que la traque commence :
« _ Si je ne reviens pas, dis à ma mère que je l’aime.
_ Mais ta mère est morte, Llewelyn !
_ … Alors je lui dirai moi-même. »
Sur les lieux du massacre, il se fait mitrailler et s'en sort miraculeusement. Il s'enfuit d'hôtel en hôtel, en hôpital et en hôtel d'un côté et de l'autre de la frontière mexicaine. Des trafiquants mexicains sont à sa poursuite, mais ils n'ont que peu d'importance et leur espérance de vie dépasse rarement les cinq minutes. Le vrai danger vient d'une machine à tuer [fr], un terminator humain, un psychopathe froid et méthodique coiffé comme un McCartney sanguinaire sur une pochette d'album des Beatles [fr] (avant 1966), et qui trimbale une bouteille d'oxygène qui lui sert d'arme et de clé pour les serrures récalcitrantes. On le découvre au début du film lorsqu'il décapite presque un flic avec les menottes qu'il a aux poignées en poussant un petit soupir de plaisir. Ce fou sans humour poursuivra coûte que coûte l'argent, donc Llewelyn. Même ses commanditaires se rendent compte du danger que représente cet électron libre et engagent donc Carson Wells (Woody Harrelson intéressant mais vite décomposé) pour le doubler. Mais on ne ralentit pas si facilement le Diable déguisé en un playmobil® [vid] habité de folie meurtrière [fr].
Pendant tout ce temps, dans son coin, Tom Bell le shérif du comté fatigue de plus en plus. Il est dépassé devant la violence du massacre (« les coyotes n'aiment sans doute pas les mexicains »), devant la folie du monde (lire le journal du matin l'emplit déjà d'un grand vide noir), devant le pétrin dans lequel s'est fourré Llewelyn, devant les innombrables meurtres incompréhensibles qui se multiplient. Il est las, fourbu, et fini. Il est de la vieille école, il se refuse de porter la main à son arme. Il philosophe un peu, fait ce qu'il peut pour endiguer cet écoulement d'hémoglobine, puis philosophe beaucoup.

Ce film, favori à l'époque pour la palme d'or à Cannes [fr], est encensé partout comme le plus grand chef d'œuvre de Joel et Ethan Coen, et comme un énorme chef d'œuvre plus simplement.
En effet, la réalisation est superbe. Le sang coule à flots sans donner la nausée, il a presque un aspect allégorique et salit l'image. Le rythme est changeant sans qu'on s'y perde. On sursaute, on est surpris, on sourit, on rit, on est parfaitement entrainé, on réagit.
En effet, les dialogues sont excellents et sont sans doute la plus grande force du film. L'humour fuse et frappe. Les répliques sonnent justes et bien, beaucoup deviendront cultes.
En effet, les acteurs jouent avec brio. Josh Brolin est un parfait paumé digne des Coen, il croit pouvoir réussir son tour de force, mais se perd puis rennonce à demi-mot et ça se voit. Tommy Lee Jones est dépassé jusqu'au bout des cheveux. Kelly McDonald s'inquiète, cherche, réagit, essaye, tente. Enfin Javier Bardem est tout simplement parfait [en] dans ce rôle de déchiqueteur en série qui devient sans doute l'un des méchants les plus froid du cinéma.
Mais la fin est presque incompréhensible et tourne un peu en rond. On est emporté tout au long du film, on adore. Mais cette fin laisse un mauvais arrière-goût, et on quitte le film un peu déçu finalement. C'est sûrement le dénouement qui a coûté la palme d'or aux Coen.
En bref un excellent film [fr] plein de cynisme, d'humour noir, d'absurdités, mais qui se termine mal.

Publié dans Cinéma

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
D
En effet, la fin n'est pas une fin, on pourrait s'attendre à A. Chigurth le retour. J'aime beaucoup ce film mais il est violent, très violent. C'est peut-être cela aussi qui lui a coûté la Palme. Je l'ai vu en avant-première avec mon ami. Le couple à côté de nous est parti avant la fin (quand A Chigurth se soigne lui même).
Répondre
V
C'est vrai que certaines scènes (comme celle où Chigurh se soigne) sont montrées de front, sans détour, et peuvent donc être un peu choquante. Mais comme c'est la plupart du temps assez exagéré, carricatural, j'ai souvent trouvé ça plus humoristique que choquant.